Thibault Cassagne

Cession d’un bien immobilier démembré : quelles conséquences ?

Le démembrement d’un bien immobilier est une situation fréquente à l’issue d’une succession ou d’une donation. Les parents deviennent en principe usufruitiers et les enfants nus-propriétaires. Toutefois, pour diverses raisons, le bien démembré peut être amené à être cédé. Trois questions peuvent alors se poser.

Quel est le sort du prix de vente du bien démembré ?

 

 

Choix 1 : La répartition du prix de cession

Le prix est alors partagé entre les parents et enfants. Il existe 2 méthodes de valorisation pour ventiler le prix de vente. Cette répartition peut se faire en fonction du barème fiscal prévu à l’article 669 du CGI*, qui établit la valeur de l’usufruit en fonction de l’âge de l’usufruitier. Par exemple, si le parent est âgé de 82 ans, il peut prétendre à 20% du prix de cession du bien et le nu-propriétaire à 80%. Toutefois, cette méthode de calcul peut parfois léser l’usufruitier au profit du nu-propriétaire compte tenu de l’allégement de l’espérance de vie notamment. Il est alors possible d’opter pour la méthode dite économique, davantage basée sur la rentabilité du bien. Soulignons qu’avec le partage du prix, les avantages du démembrement sont perdus, dans la mesure où le nu-propriétaire ne récupère plus la pleine propriété du bien (et donc la valeur de l’usufruit) sans fiscalité supplémentaire au décès du parent.

 

Choix 2 : Report du démembrement

Le démembrement peut être reporté sur un autre actif qui sera lui-même démembré. Cette solution permet de conserver les avantages du démembrement et d’investir dans un bien adapté aux objectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Il peut par exemple s’agir du report du démembrement sur un nouvel actif immobilier ou un actif financier.

 

Choix 3 : Perception du prix sous forme de quasi-usufruit

Le prix de cession du bien démembré peut être payé entre les mains de l’usufruitier, qui est alors libre d’en disposer comme il l’entend : il s’agit du quasi-usufruit. Cette solution permet au parent de réaliser les investissements qu’il souhaite ou de consommer le capital. Les enfants pourront théoriquement récupérer l’équivalent du capital grâce à une créance de restitution enregistrée chez le notaire, qui viendra en déduction de l’actif successoral du conjoint. Compte tenu des dernières dispositions de la loi de finances 2024, il convient d’être vigilant avec cette option qui ne doit pas avoir été contractée dans un but principalement fiscal. Nous attendons davantage de précisions pour sécuriser cette option.

 

Qui décide de ces modalités ?

La cession d’un bien démembré doit résulter de l’accord conjoint des deux parties, parents et enfants dans notre exemple. Il en va de même pour les modalités post cession. Un accord doit être formalisé dans un acte, au plus tard avant la vente définitive, idéalement avant la signature de l’avant contrat. A défaut de convention, la vente met un terme au démembrement de propriété. Il est à noter qu’il est aussi possible de prévoir dans l’acte de donation le sort du prix de vente démembré.

 

Qui paie l’impôt de plus-value ?

Quelles que soient les modalités retenues du prix de vente, chacune des parties reste redevable de l’éventuel impôt de plus-value en son nom. En cas de report du démembrement sur la totalité du prix de vente par exemple, les parents et les enfants n’appréhendent pas de liquidités. Il convient dès lors d’anticiper les conséquences fiscales avant de déterminer le choix du sort du prix de vente.

* Code général des impôts