Aux urnes !
L’année boursière, comme de coutume, s’est avérée riche en surprises. A l’exception de la Chine, la quasitotalité des marchés actions et obligataires a terminé nettement dans le vert, alors même que l’année a été marquée par des hausses de taux directeurs d’une ampleur inédite. Cet enthousiasme paradoxal des investisseurs s’explique en grande partie par l’accalmie progressive de l’inflation, qui laisse espérer un desserrement tout aussi marqué des politiques monétaires. D’autant que la croissance mondiale, notamment américaine, a finalement été supérieure aux attentes de début d’année[1], et que la ferveur pour l’intelligence artificielle (IA) a porté l’envolée des valeurs technologiques.
Ces bonnes nouvelles sont désormais largement intégrées dans les cours ; elles ne les feront plus guère évoluer à court terme. Quelles sources de surprises pourraient alors influencer les marchés en 2024 ?
L’élément clé pourrait être le rythme du desserrement monétaire attendu. Le moment de son déclenchement ainsi que son ampleur restent inconnus. En ce début janvier, les marchés attendent en grande majorité de la Réserve Fédérale américaine et de la Banque Centrale Européenne une baisse des taux de 25 points de base dès la fin du premier trimestre, suivie probablement de 4 à 5 autres baisses en cours d’année.
Ces scénarios pourraient être déjoués par des évolutions inattendues de l’inflation, ou, surtout, de la croissance. Aux Etats-Unis, les projections du marché sont modérément optimistes, autour de 1,30%, et régulièrement revues en hausse ces derniers mois[2]. En zone euro en revanche, le marché ne s’enthousiasme pas : la croissance attendue, à 0,5%, est constamment révisée en baisse depuis cet été[3]. Ce qui pourrait pourtant s’avérer encore trop optimiste.
Crucial également pour l’économie mondiale sera le rythme chinois, attendu à 4,5%. C’est le niveau le plus faible de ces dernières décennies, hors fermeture économique due au Covid en 2020 et 2022. Mais la crise immobilière du pays, notamment, n’étant toujours pas terminée, cette estimation déjà faible se révèle particulièrement fragile.
Des gisements de surprises positives persistent sans aucun doute. On peut espérer un rebond de productivité grâce à l’IA. Ou encore un soutien de la croissance tirée par une offre abondante de pétrole et de gaz en provenance des Etats-Unis notamment, comme ce fut le cas en 2023. Ou enfin, pourquoi pas, le rebond tant attendu de l’immobilier en Chine, soutenu par les innombrables mesures de relance du gouvernement.
Du côté des risques, la géopolitique tient une place considérable. Les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient pourraient s’intensifier. La Chine pourrait être tentée d’avancer ses pions à Taiwan… et la Corée du Nord d’accentuer ses provocations. La politique tout court pourrait aussi impacter significativement économies et marchés. Plus de la moitié de la population mondiale est appelée aux urnes : Russie, Iran, Mexique, Indonésie, Royaume-Uni, Inde, Union européenne… et aux Etats-Unis en particulier, toutes les issues sont imaginables, même les plus atypiques.
Face à ces possibles, nos convictions sont nettes. Premièrement, la désinflation continuera, ce qui favorisera surtout les obligations, toujours dotées d’un portage attractif. Le crédit privé demeure, comme depuis plusieurs trimestres, un actif de choix. Tout ralentissement pourrait accentuer le relâchement des politiques de taux des banques centrales, favorisant l’extension de multiples sur les marchés actions. Et si les valorisations des grandes capitalisations américaines sont certes légèrement au-dessus de leur moyenne, d’autres segments de la cote mondiale, notamment européenne, offrent des niveaux toujours raisonnables, voire franchement attractifs pour les plus petites capitalisations.
Comme toujours, l’année à venir recèle d’opportunités, mais il y a fort à parier que les meilleurs placements seront à chercher en dehors des valeurs préférées de 2023, qui ont déjà intégré nombre de bonnes nouvelles.