Option Finance - Plus d’impact en embarquant tous les secteurs de l’économie

Interview parue dans Option Finance, le 25 octobre 2021

 

Les plans d’investissement massifs des gouvernements en Europe et aux Etats-Unis ont favorisé l’afflux de capitaux sur certains secteurs d’activité, notamment les énergies vertes. Toutefois, pour parvenir à maintenir une trajectoire de réchauffement sous les 2 °C, il est indispensable d’accompagner tous les secteurs de l’économie, souligne Paul Merle, gérant du fonds à impact Echiquier Climate Impact Europe¹ à La Financière de l’Echiquier (LFDE).

 

La transition énergétique est au cœur du green deal en Europe et du plan de relance de Joe Biden. Comment le secteur financier peut-il accompagner au mieux cette transition ?

Le secteur financier a un rôle crucial à jouer. LFDE privilégie une approche pragmatique, notamment en n’excluant aucun secteur du fonds à impact Echiquier Climate Impact Europe, lancé en décembre 2020. Nous considérons que chaque secteur doit contribuer à cette lutte. Nous investissons sur des solutions mais aussi sur des pionniers (solutions nouvelles, des politiques ambitieuses) et sur des entreprises en transition. Prenons les transports, responsables de 25 % des émissions de CO2. Ce n’est pas en les tenant à l’écart de nos investissements que nous parviendrons à réduire ces émissions. Autre exemple, Kering, dans le secteur du luxe, qui à première vue, n’est pas le plus vertueux. L’entreprise s’est engagée à adopter une trajectoire conforme à un réchauffement limité à 1,5 °C. Elle entraîne avec elle ses fournisseurs et contraint ses concurrents à se positionner. Voilà le genre de démarche que le secteur financier devrait davantage accompagner.

 

Justement, on a vu un nombre croissant de fonds se créer autour du climat, de la transition. Est-ce qu’il ne faut pas craindre une bulle sur certains actifs « verts » ?

En ce moment, il y a une rotation factorielle : après avoir privilégié les actifs « verts », les investisseurs se tournent vers les titres décotés pénalisés par la crise qui commencent à profiter de la reprise. A long terme, les entreprises du secteur vert conservent leur potentiel, sans oublier que le positionnement ESG est un facteur de croissance pérenne. En revanche, ne concentrer un investissement climat que sur un type de valeurs, comme les énergies renouvelables, serait un risque. Avec notre approche pragmatique, nous avons un portefeuille plus équilibré, nous investissons dans des entreprises qui contribuent à la transition énergétique dans des secteurs souvent absents des fonds climat. De plus, nous savons bien que l’on ne va pas basculer immédiatement dans un monde avec 100 % d’énergies vertes, il est important de promouvoir des solutions en lien avec les besoins de l’économie réelle. Nous avons ainsi investi sur Aker Carbon Capture, une entreprise norvégienne qui capture le CO2. Notre travail d’investisseur est aussi de vérifier les fondamentaux financiers des entreprises et leurs niveaux de valorisation.

 

Quelle place faut-il accorder à la biodiversité dans un investissement à impact ?

Notre sélection de valeurs repose, outre l’ESG et les critères financiers, sur une méthodologie interne qui nous fournit la « maturité climat et biodiversité » des entreprises. L’an dernier, nous avons choisi d’y renforcer les critères liés à la biodiversité. Nous sommes bien conscients que les sociétés ne sont pas toujours avancées sur ce sujet, sur la façon de le prendre en compte dans leur politique. Nous avons donc aussi renforcé notre accompagnement, en leur fixant des axes d’action. Les pratiques devraient s’améliorer, notamment sous la pression des investisseurs et de coalitions comme Finance for Biodiversity Pledge, que LFDE a rejoint. LFDE s’engage, d’ici 2024, à intégrer des critères de biodiversité dans ses analyses, à accompagner les entreprises, mesurer l’impact de ses investissements et à les publier en toute transparence.

 

L’impact, c’est aussi le vôtre, en tant que société de gestion. Que faites-vous pour l’améliorer ?

LFDE s’est dotée en 2021 d’une doctrine d’impact exigeante, qui a pour but de cadrer nos actions et nos exigences en termes d’impact. Nous lançons également notre premier événement autour du climat et de la biodiversité, qui réunira experts et entreprises. Nous espérons favoriser les échanges et les changements de pratiques. En interne, nous formons tous nos collaborateurs à ces sujets. Enfin, les deux fonds à impact de LFDE sont réunis dans une Sicav et nous reversons une partie des frais de gestion à des associations. L’impact se joue sur tous les pans du fonds, pas seulement l’investissement.

 

1. Le fonds est principalement exposé au risque de perte en capital, au risque actions, au risque de change, au risque de gestion discrétionnaire et au risque lié à l’investissement dans des valeurs de petites et moyennes capitalisations.