Luc Olivier

Gestion de Fortune - L'impact, source de performance

Interview parue dans Gestion de Fortune, le 1 septembre 2021 – N°0 – Edition Hors Série

 

Quel est l’objectif d’Echiquier Positive Impact Europe et qui compose l’équipe de gestion ?

Echiquier Positive Impact Europe¹ est un fonds à impact investi en actions européennes cotées de toutes capitalisations. Il relève de l’article 9 de la directive SFDR. L’équipe de gestion est dirigée par Adrien Bommelaer. J’y exerce la fonction de gérant, avec une double compétence en analyse financière et extra-financière. Nous sommes épaulés par Marion Cohet Boucheron. Notre travail est conforté par celui de l’équipe Investissement Responsable, dirigée par Coline Pavot.

 

Comment appréhendez-vous la notion d’impact?

L’impact est pour nous la nouvelle frontière de l’investissement socialement responsable. L’investissement à impact est la recherche simultanée d’une performance financière et d’un impact environnemental et social positif. Pour le définir, nous avons recours à trois axes essentiels, sur lesquels se fonde la doctrine d’impact de La Financière de l’Echiquier (LFDE), que nous venons de formaliser. Cette définition exigeante de l’investissement à impact émane des travaux du FIR et de France Invest. Le premier de ces axes est l’intentionnalité, l’intention d’investir dans des entreprises qui génèrent un impact environnemental et/ou social positif étant le point de départ de toute démarche d’impact. Elle repose sur la définition d’objectifs et d’indicateurs d’impact exante, tels qu’une gouvernance robuste ou des ressources internes dédiées. Ensuite, l’additionnalité, qui permet de dépasser un investisseur à impact, passe notamment par une démarche aboutie d’engagement, une durée de détention longue des actifs ou le soutien à des entreprises dont l’impact est moins direct ou visible. Enfin, la mesurabilité de l’impact des investissements et du fonds, la transparence de la communication via la publication d’un rapport d’impact, avec l’appui d’experts indépendants, sont également cruciaux. Les indicateurs d’impact ex ante peuvent être intégrés dans le schéma de rémunération des gérants. Cette mesure de l’impact positif et négatif des entreprises est réalisée en partenariat avec notre équipe Investissement Responsable et l’aide d’experts indépendants comme Better Way. Nous venons de publier le 3ème rapport d’impact annuel d’Echiquier Positive Impact Europe, consultable sur le site internet de LFDE.

 

Echiquier Positive Impact Europe a obtenu 3 labels ISR européens. Quelles sont vos motivations?

Nous avons soumis le fonds à cette triple labellisation pour deux raisons principales. D’abord, chaque label a ses spécificités. Le label ISR de l’Etat français met l’accent sur le processus de gestion, tandis que le label belge est particulièrement exigeant sur la sélection par l’exclusion. Enfin, le label allemand, que nous avons obtenu avec 3 étoiles- soit le plus haut niveau d’exigence – est particulièrement attentif à l’impact généré. Ces labels sont complémentaires et permettent l’amélioration continue de notre approche. Ensuite, LFDE a vocation à distribuer de plus en plus ses fonds à l’international. Il est ainsi plus pertinent d’appréhender les autres marchés européens en détenant ces 3 labels.

 

Qu’apporte l’intégration des objectifs de développement durable de l’ONU dans le processus de gestion ?

Echiquier Positive Impact Europe a été le premier fonds en France à adosser sa stratégie d’investissement sur les ODD². Nous estimons indispensable le rôle de la gestion d’actifs pour atteindre ces objectifs collectifs d’ici 2030. Les 17 ODD définis par l’ONU constituent également un outil pertinent pour identifier les opportunités financières qu’il nous est possible de capter via le fonds.
Associés à l’ISR et à l’analyse ESG, qui sont à nos yeux une autre source de performance dans la durée, ainsi qu’un vecteur de résilience dans des marchés baissiers, ces ODD constituent, selon
nous, de véritables moteurs de performance. Nous avons identifié 9 ODD parmi les 17, portant des enjeux auxquels les entreprises peuvent contribuer.

 

Vous évoquez les ODD comme un outil d’identification d’opportunités financières. Comment procédez-vous ?

Ils nous permettent d’estimer la croissance d’une catégorie de produits ainsi que le marché adressable potentiel. Ainsi, par exemple, 2 805 milliards de dollars d’opportunités sont générées par les seules innovations relatives à la santé, au bien-être et à la télémédecine. 7 000 milliards de dollars d’opportunités devraient être générés par le renforcement de l’éducation dans les secteurs public et privé ou encore 2 365 milliards de dollars d’opportunités générées par la mise en place de l’économie circulaire, la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’agriculture. On estime également que 380 millions d’emplois pourraient être créés à l’horizon 2030 grâce à l’atteinte des ODD. Ces quelques exemples sont autant de sources de croissance qu’il est envisageable de capter, d’autant qu’ils seront associés à la réduction des externalités négatives, que sont notamment la réduction des conflits, de la corruption, de l’illettrisme, ou du gaspillage alimentaire, ou encore une meilleure maîtrise du changement climatique ou la préservation de la biodiversité et des écosystèmes. Nous intégrons toutes ces opportunités à nos projections financières pour les entreprises, ce qui nous permet de mieux les valoriser sur le long terme. Nous sommes ainsi convaincus qu’il est possible de générer à la fois un impact positif sur la planète et le vivant, et une performance financière durable.

 

Comment sélectionnez-vous les valeurs du portefeuille ?

Sur la base d’un univers d’investissement d’environ 1 500 valeurs, nous procédons à des exclusions sectorielles et normatives, avant d’identifier la thèse de l’impact de la valeur analysée. Nous appliquons les filtres ESG et Impact retenant les valeurs dont la note ESG est selon notre méthodologie propriétaire, supérieure à 6,5 sur 10 et le score ODD compris entre 25 et 100, ce qui est très exigeant car seul 25% des entreprises de l’univers noté dépassent ce seuil sur une échelle allant de-100 à +100. In fine, nous opérons une analyse fondamentale pour confirmer la solidité du cas d’investissement, et retenir une quarantaine de valeurs en portefeuille. Pour la moitié d’entre elles environ, il s’agit de sociétés dont l’impact émane de l’utilisation directe, par les clients, de leurs produits et services, comme par exempleMunsters³ ou le producteur d’énergies renouvelables Neoen. Pour près de 30% du fonds, nous avons sélectionné des sociétés dont l’impact est indirect, autrement dit dont les produits et services permettent aux clients d’augmenter l’impact qui leur est propre. C’est le cas de Lonza ou de L’Oréal par exemple. Enfin, des entreprises, telles que Spie et Covestro, disposent d’un impact que le marché sous-estime selon nous4.

 

1. Le fonds est principalement exposé au risque de perte en capital et au risque actions.
2. Le score ODD net, outil propriétaire de LFDE, est la moyenne du score Solutions net, attribué en fonction de la part du chiffre d’affaires de l’entreprise qui contribue à l’un des 9 ODD retenus, et du Score Initiatives net, attribué en fonction des pratiques de l’entreprise et de son impact hors production.
3. Les valeurs citées sont données à titre d’exemple. Ni leur présence dans le fonds, ni leur performance ne sont garanties.
4. La répartition entre les différentes poches peut évoluer dans le temps.