Thibault Cassagne

Décès du chef d’entreprise, les héritiers peuvent-ils prendre le contrôle ?

 

Suite au décès d’un chef d’entreprise, se pose inévitablement la question de la continuité de la société. Dans ce contexte, comment les héritiers peuvent-ils arriver à prendre le contrôle ? Dissocions d’abord la gestion interne de l’entreprise assurée par le dirigeant, à l’administration des titres qui déterminent les prérogatives des associés. Ces deux volets sont intimement liés. 

Tout d’abord, les parts de votre société peuvent-elles être transmises librement aux héritiers ? Y-a-t-il des exceptions ? 

Le principe : Les titres seront automatiquement transmis aux héritiers de la personne disparue, sauf dispositions contraires. En effet, il est par exemple possible de prévoir dans les statuts, des clauses d’agréement qui refuseraient des associés venant de l’extérieur. Il convient de vérifier également la présence de clauses spécifiques dans les pactes d’actionnaires. 

Quels seraient les droits des futurs héritiers si aucune disposition leur interdisait l’accès au capital ?  

Les associés ont d’abord des droits politiques qui s’exercent via un droit de vote en Assemblée générale pour regrouper les prises de décision de l’ensemble des associés. Ils disposent également de droits financiers, comme la perception de dividendes, lorsque le résultat est distribué. En principe, le droit de vote est proportionnel à la détention du capital. Notons qu’en SAS, il est possible de déroger à ce principe ce qui peut conduire à donner des pouvoirs plus importants à des actionnaires minoritaires.

Comment sont organisés les pouvoirs des associés ? 

En général, on distingue deux types d’Assemblée générale. L’Assemblée générale ordinaire qui traite des affaires courantes (l’approbation des comptes notamment), à l’Assemblée générale extraordinaire, qui a notamment vocation à modifier les statuts (par exemple, l’augmentation de capital). Chacune de ces deux assemblées peut disposer de règles de fonctionnement qui lui sont propres. Notons que dans certains cas, le code de commerce peut imposer que certaines décisions soient prises à l’unanimité.  

Est-il possible de confier l’administration des titres à une tierce personne autre que les héritiers ? 

Un dirigeant majoritaire pourrait de son vivant, nommer un mandataire, qui en cas de décès, disposerait de droits de vote en Assemblée générale ordinaire. Par ce biais, le mandataire pourrait alors se nommer à un poste de direction en cas de survenance du décès. Il s’agit d’un mandat à effet posthume qui doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime et pour une durée déterminée. Notons qu’il existe d’autres solutions, comme la nomination d’un exécuteur testamentaire ou encore la mise en place d’une fiducie gestion… 

Revenons sur la gestion de l’entreprise, quel est le rôle d’un dirigeant ? Comment est-il nommé? 

Le dirigeant assure la direction interne de la société, la gestion des affaires courantes et représente la société vis à vis des tiers. Ses pouvoirs peuvent être limités par les statuts en prévoyant un accord de l’assemblée pour certaines décisions. 

En SAS, c’est la liberté statutaire qui prévaut, le président peut être nommé dans les statuts ou par décision des actionnaires. En SARL, la décision de nomination est prise en Assemblée générale ordinaire représentant plus de la moitié des parts sociales. 

Un dirigeant est-il obligatoirement associé ?  

Non un dirigeant n’est pas obligatoirement associé. Il est d’ailleurs possible dans une SARL de prévoir un co-gérant, voire dans une SAS un directeur général qui viendrait remplacer le président en cas de décès. On peut même imaginer une personne morale dirigeante d’une SAS. 

En quoi la gestion de l’entreprise et l’administration des titres sont-elles liées pour la continuité de l’entreprise et in fine une prise de contrôle pour un héritier ? 

À défaut d’aménagement, un héritier majoritaire d’une société pourrait décider de se nommer dirigeant de la société via une Assemblée générale. En présence de plusieurs héritiers candidats, seul celui qui obtient la majorité pourrait accéder à la direction. Dans l’idéal, il conviendrait de prévoir la majorité des droits de vote pour un héritier repreneur de l’entreprise afin de lui conférer les pleins pouvoirs opérationnels. 

Conclusion

Afin d’anticiper les futures règles de gouvernance des héritiers, le dirigeant doit réfléchir à l’équilibre des pouvoirs entre le mandataire social et l’Assemblée des associés. Les sociétés les plus exposées sont souvent les petites entreprises, où la détention du pouvoir est très concentrée. Il conviendra alors d’articuler les différents outils juridiques pour les adapter au mieux en fonction de chacune des situations.