Patrice Bonduelle

Comment acquérir de l’immobilier locatif ?

Malgré une fiscalité décourageante et une certaine complexité de gestion, l’immobilier locatif trouve sa place à partir d’un certain niveau de patrimoine. Comment s’y prendre pour structurer sa détention ?

Réponse en trois points :

L’immobilier constitue un actif de diversification, ressenti comme sûr et assez contre-cyclique, notamment dans les zones les plus dynamiques (grandes métropoles, littoraux…), qui peut assurer un complément de revenus pendant la retraite. Il se finance assez aisément à crédit et peut donc bénéficier d’un effet de levier efficace. Les modalités d’investissement sont variées :

  • Acquisition seul d’un ou plusieurs actifs
  • Ou prise de participation dans des club dealsou des SCPI,  permettant d’accéder à des actifs de plus grande importance et de répartir le risque entre un grand nombre de locataires.

Comment structurer un tel investissement ?

Quel que soit le type d’actif acquis, l’investisseur doit opter pour une structuration adaptée. Selon les montants en cause et ses projets à long terme, il devra faire les choix  suivants :

Choix n° 1 : Qui achète ?

Faut-il acheter :

  • en son nom personnel (ou en couple)
  • ou via une société qui se portera acquéreur des locaux ?

Ce choix conditionne souvent le régime fiscal applicable : régime de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. Ce choix est fondamental et mieux vaut partir sur les bonnes bases dès le début car changer de structure et/ou de régime fiscal en cours de route peut coûter cher. Et souvent, en la matière, nous constatons beaucoup de malentendus : la réponse sera au cas par cas.

Choix n° 2 : Sous quel régime fiscal se placer : Impôt sur le revenu ou sur les sociétés ?

Si le projet porte sur des locaux destinés à être loués « nus » – non meublés ou équipés – ou sur des parts de SCPI, la forme d’acquisition est libre :  on peut acheter en direct ou en société, et choisir son régime fiscal. La société civile – qualifiée de SCI – est le véhicule le plus choisi pour sa souplesse et sa simplicité de fonctionnement. Dans ces deux cas, le régime fiscal sera celui des de l’impôt sur le revenu (IR) avec une déclaration sur l’imprimé 2044 (ou 2044 SPE) au titre des Revenus Fonciers (RF). Ce régime s’impose pour la plupart des régimes de faveur existants – Pinel, Denormandie…

Si on envisage de procéder à une location meublée, de longue durée ou saisonnière, de quelques locaux seulement, l’achat en direct sera souvent le plus simple. La société civile pourrait être choisie, mais attention : le régime fiscal de l’impôt sur les sociétés (IS) s’imposera alors automatiquement, ce dont l’opportunité doit être vérifiée. Cette règle est encore méconnue et beaucoup de contribuables sont en situation de risque ici : par exemple dans le cas d’une résidence secondaire achetée en SCI et louée occasionnellement, l’administration fiscale peut constater le changement de régime fiscal, ce qui génère beaucoup de contraintes et spécialement :

  • la perte des abattements pour durée de détention pour le calcul des plus-values
  • l’obligation de payer un loyer à la société en cas d’utilisation familiale… !

Pour louer « meublé » et conserver une fiscalité de personne physique tout en interposant une société, il est possible de recourir à la SARL de famille, qui peut conserver le régime fiscal des sociétés de personnes malgré son activité commerciale.

En direct ou au travers de la SARL de famille, le régime applicable sera celui des Bénéfices industriels et Commerciaux (BIC), lui-même subdivisée en deux régimes distincts : celui des loueurs en meublés non-professionnels (LMNP) et celui des loueurs en meublés professionnels (LMP). Le régime des loueurs professionnels s’applique au foyer fiscal dont les revenus locatifs « meublés », sur un exercice, excèdent 23.000 € et représentent plus de 50 % des revenus professionnels (salaires, retraites…). Depuis 2021, le passage d’une catégorie à l’autre se fait simplement par le franchissement de ces deux seuils, ce qui peut se révéler très pénalisant (imposition plus lourde, perte de certaines exonérations de plus-values dont celle pour durée de détention….)

Jusqu’à il y a peu, les contribuables cherchaient à se soumettre au régime des loueurs professionnels qui présente quelques avantages (imputation du déficit sur le revenu global, exonération d’IFI, régime des plus-values parfois favorable…) mais le vent a tourné : désormais les loueurs professionnels doivent cotiser à un régime de sécurité sociale, ce qui retire beaucoup d’intérêt à leur statut.

Le LMNP bénéficie sous certains seuils (recettes inférieures à 70 000 €) d’un régime forfaitaire d’imposition sur la base, après un abattement forfaitaire pour frais égal à 50% à 71% des revenus selon les cas. Ce régime est recommandé aux loueurs occasionnels qui veulent se simplifier la vie (ils n’ont pas à tenir une comptabilité complète). Si les charges excèdent 50% des recettes, notamment du fait de l’amortissement, le contribuable choisira le régime « réel ». Les loueurs  non professionnels bénéficient du régime des plus-values des particuliers – avec abattements pour durée de détention à partir de la 6e année, ce qui permet une exonération au bout de 30 ans.

Pour un investissement plus conséquent, si l’on se finance en grande partie au moyen de crédit bancaire, il sera souvent suggéré de choisir le régime de l’impôt sur les sociétés (IS) car l’imposition des bénéfices réalisés pendant la période de remboursement du prêt sera bien plus supportable qu’à l’IR puisque :

  • la base imposable à l’IS est minorée, notamment du fait de l’amortissement des constructions
  • le taux d’imposition est sensiblement plus faible qu’à l’IR. En 2022, l’IS est à 25 % contre un taux marginal de l’IR et des prélèvements sociaux à 17,2 %, ce qui aboutit à un taux global d’environ 59 % !

La « capacité d’autofinancement » sera  très supérieure à celle obtenue sous le régime de l’IR. L’investisseur pourra donc multiplier les acquisitions sans trop de souci de trésorerie.  Mais attention : lors de la revente des biens exploités sous le régime de l’IS, il ne bénéficiera pas de l’abattement pour durée de détention et devra supporter une fiscalité plus lourde : IS sur une assiette plus large, l’amortissement ayant minoré la valeur nette comptable sur la base de laquelle l’impôt sur la plus-value sera appliqué.

Choix n° 3 : Et pour la transmission familiale ?

Dans la perspective d’une transmission par donation ou succession, l’interposition d’une société va permettre en toute légalité de :

  • concentrer les pouvoirs entre les mains des parents donateurs, qui pourront se réserver quasiment tous les droits, notamment celui de revendre les biens immobiliers détenus et de réinvestir sur d’autres actifs, immobiliers ou non…
  • faciliter le suivi des donations et du démembrement sur une longue période (interdiction de céder les parts, de les apporter en communauté, notamment pour les donations à des jeunes descendants, tels que les enfants et petits-enfants non encore établis), maintien de l’usufruit en cas de cession des actifs…
  • et de diminuer la valeur des parts sur laquelle la fiscalité sera appliquée, puisque la dette bancaire et les avances faites par les associés seront déduites. Les loyers futurs enrichiront donc mécaniquement les donataires. Plus la donation intervient tôt, plus c’est efficace.
  • De plus, la donation pourra ne porter que sur la nue-propriété des biens immobiliers ou des parts, ce qui laissera aux donateurs-usufruitiers les revenus futurs. Ici encore, le schéma sociétaire semble plus favorable puisque les usufruitiers pourront maîtriser leurs revenus et générer à terme des plus-values pour leurs enfants nus-propriétaires.

Conclusion : Le choix est vaste. En fonction de tous ces paramètres, il y a une ou plusieurs bonnes solutions à identifier…