Flash Marchés
Les semaines historiques s’enchaînent sur les marchés. La dernière s’illustra de façon particulièrement haussière : en quatre jours seulement (le vendredi Saint étant fermé sur les marchés), le S&P500 a gagné plus de 12% en dollars, le Nasdaq plus de 10%, et les indices actions européens près de 8%. Les valeurs les plus délaissées pendant la crise, les valeurs cycliques notamment, ont particulièrement rebondi.
Pourquoi une telle hausse ?
La crise économique et sanitaire s’accentue, mais plusieurs éléments de soutien à la confiance sont apparus ces derniers jours.
Pour commencer, il semble qu’un pic dans les nouveaux cas graves de patients souffrant du Covid-19 soit passé, ou du moins en vue, dans une grande partie de l’Europe, à l’exception probablement du Royaume-Uni. De ce fait, des réflexions concrètes s’engagent sur le déconfinement. L’Autriche et l’Espagne, à des niveaux différents, viennent d’adoucir leurs dispositifs. Le tunnel laisse pointer une lointaine lueur. Les marchés se situant toujours dans l’anticipation, ils n’ont pas manqué de s’en réjouir, même si le chemin reste long et incertain.
A ce facteur sanitaire s’ajoute le soutien toujours plus gigantesque des banques centrales et des Etats à l’économie et aux marchés. Ainsi, jeudi 9 avril, la Fed a-t-elle annoncé un nouveau programme d’achats obligataires et de soutien au crédit bancaire à hauteur de 2,3 milliers de milliards de dollars. Elle s’est même pour la première fois montrée disposée à acheter des obligations d’entreprises américaines dites à haut rendement, euphémisme pour dire “spéculatif” ou “de qualité médiocre”. C’est assez logique : devant la vague de dégradations attendues des notes de crédit, rester à l’écart du haut rendement serait revenu à laisser dans la difficulté nombre d’entreprises qui étaient auparavant en bonne santé financière, mais touchées par les conséquences du confinement. C’est une étape importante : désormais, la Fed pourra acheter quasiment tout type d’obligations. Une première étape avait été franchie le 23 mars : la Fed avait annoncé pouvoir acheter pour la première fois des obligations d’entreprises, annonce suivie les jours suivants d’un formidable rallye actions. Devant son volontarisme, le marché se dit qu’il n’y a aucune limite à son action, et qu’elle pourrait un jour prochain annoncer acheter des actions ou distribuer aux ménages de l’argent fraîchement créé.
A ces facteurs fondamentaux s’ajoute un élément plus ponctuel : la conclusion d’un accord de réduction de la production de pétrole entre les membres de l’OPEP “élargie” en vue de soutenir le prix du baril. D’une part cela indique qu’une certaine coopération subsiste entre ces pays malgré leurs rivalités. Et d’autre part, cela allège la pression sur les producteurs de pétrole, notamment américains, et sur les emplois qui lui sont liés.
Enfin, d’un point de vue technique, le positionnement de marché probablement encore très défensif risquait laisser augurer un jour ou l’autre un renversement de tendance purement mécanique. On note en effet des effets de retournement de tendance au moins partiels lorsque des positions extrêmement haussières ou baissières ont été prises.
Ce rallye inspire-t-il confiance ?
A nos yeux, il convient de demeurer relativement prudent dans ce marché. Certes, les programmes de soutien budgétaires sont inédits. Mais il reste un très grand nombre de freins ou d’inconnues.
Tout d’abord, les courroies de transmission entre les plans de soutien et les entreprises ou les ménages ne sont pas toutes immédiates. Il existe des difficultés opérationnelles, notamment pour soutenir les ménages américains au chômage.
En outre, les politiques de soutien ne compensent pas les pertes des toutes les entreprises, notamment des plus petites. Il risque d’y avoir des laissés pour compte.
A ces freins s’ajoute une incertitude plus fondamentale concernant la durée du confinement. Les plans de déconfinements dans les grands pays ne sont pas encore en place. Ils seront graduels, et sujets à des retournements éventuels si une nouvelle contamination apparaît, dans le cas d’une seconde vague par exemple, comme cela semble être le cas dans quelques pays d’Asie. Prudence donc à horizon 6 mois.
Enfin, les valorisations des actions sont remontées aux niveaux d’avant crise, ce qui paraît difficilement soutenable dans le contexte actuel. Le marché donne l’impression d’être complaisant sur les valorisations.
Que faire de ses liquidités disponibles (si on en a) ?
Une dose de confiance dans le marché actuel nous semble légitime, en raison de la politique inédite de soutien de la part des autorités financières et budgétaires.
Mais tenter d’acheter les creux de marché nous semble hasardeux : l’économie n’a jamais été aussi menacée depuis 1929. Les valorisations restent élevées. Et nous n’en sommes qu’à deux mois d’une crise qui pourrait s’étirer sur plus d’un semestre. Conserver une certaine prudence semble donc de mise.
Pour les investisseurs disposant d’un horizon long et d’une belle sérénité, les points d’entrée actuels pourraient cependant selon nous s’avérer prometteurs : les banques centrales ont signifié qu’elles feraient tout ce qui est en leur pouvoir – immense – pour soutenir indéfiniment les actifs risqués…
Rédaction achevée le 14 avril 2020