Sous les pavés, la dette
164 000 Mds $ : c’est le nouveau record atteint fin 2016 par la dette mondiale totale (publique et privée) d’après le Fonds Monétaire International (FMI)[1]. Cet Everest de dettes, c’est 225% du PIB mondial et 12 points de plus qu’en 2009. Les stigmates de la crise financière de 2008 sont encore bien présents dans les comptes publics et les nouvelles perspectives de croissance relancent l’appétit du secteur privé pour le levier financier.
Pour une fois, l’Europe n’est pas l’œil du cyclone. Aujourd’hui, selon le FMI, c’est dans les pays émergents que la croissance de l’endettement est la plus forte. Comme si l’accès au niveau de vie occidental impliquait l’adoption de certains de ses travers. A elle seule, la dette globale de la Chine est passée de 1 700 milliards en 2001 à 25 500 milliards de dollars fin 2016… 15 fois plus en 15 ans ! Même la peu vertueuse France a vu son endettement global n’être multiplié que par 2,5 sur la même période, même si la base de départ était notoirement plus élevée. Le FMI attribue à l’empire du Milieu les trois quarts de la hausse de la dette du secteur privé de ces 10 dernières années. Un point sur lequel les investisseurs en actions doivent naturellement rester très attentifs.
Si le FMI prévoit un recul des ratios de dettes sur PIB quasi généralisé dans les pays développés, un pays se démarque : la réforme fiscale initiée par le Président Trump, et approuvée par le Congrès, va générer aux Etats-Unis 1 000 milliards de dollars de déficit budgétaire supplémentaire sur les trois prochaines années. La dette publique américaine, au sens du FMI, passerait ainsi de 108 à 117% du PIB en 2023, un niveau similaire aux projections pour l’Italie la même année. Comme l’a dit John Connally, Secrétaire au Trésor de Nixon, en 1971 : « c’est notre dette mais c’est votre problème ». Le problème n’est pas anodin. La dette américaine est la plus liquide et la plus détenue, tout toussotement du premier emprunteur mondial est susceptible de créer une véritable onde de choc. Le simple passage du rendement du T-Note à 10 ans autour de 3,00% en ce début d’année est une des explications de l’instabilité actuelle des Bourses mondiales.
A contrario, en Europe, le compteur de la dette ralentit nettement dans plusieurs pays. L’Allemagne devrait cette année respecter l’ensemble des critères de Maastricht, sa dette publique devrait passer sous la barre des 60% (au sens du FMI) dès 2018, et fondre à 42% en 5 ans. Un cap que la France, à son niveau, tente de suivre. Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire et celui de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, ont transmis en avril à la Commission européenne la feuille de route nationale qui vise le quasi équilibre budgétaire pour la fin du quinquennat en 2022. Un objectif particulièrement ambitieux – le dernier équilibre budgétaire date de 1974 – que la reprise immédiate des quelque 50 milliards d’euros de dette de la SNCF Réseau rendra difficilement atteignable. S’ils parvenaient à leurs fins, le ratio de la dette de la France, de près de 100% cette année, redescendrait à 90% dans cinq ans. Un petit pas pour l’hexagone, un grand pour la zone euro !
En euros, la Bourse européenne a surperformé l’année dernière la Bourse américaine, à l’image de leur PIB réciproque. Ce début d’année confirme, jusqu’ici, cette tendance, avec une volatilité des marchés bien moindre de ce côté-ci de l’Atlantique. Sept ans après la menace d’implosion sous l’effet de sa dette, l’Europe montrerait-elle la voie ? Ou n’est-ce qu’une belle illustration du mot de Talleyrand : « Quand je m’examine, je m’inquiète. Quand je me compare, je me rassure » ?
Olivier de Berranger