Quand l'engagement actionnarial ne suffit plus...
Le momentum sur les sujets environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) reste très fort. Impossible d’ouvrir un journal économique sans tomber sur un article abordant l’un de ces thèmes. L’industrie de la gestion d’actifs s’est saisie du sujet à bras le corps et les déclarations en la matière se multiplient. Face à ce déluge d’annonces, la tentation de « dire » plutôt que de « faire » est grande. L’un des buzzwords du moment est « engagement » : une démarche de dialogue investisseurs/entreprises qui vise à améliorer les pratiques ESG de ces dernières. Mais qu’entend-on vraiment par « engagement » ? Et si l’engagement actionnarial n’était utilisé que pour légitimer l’investissement dans les entreprises défaillantes sur le plan ESG ?
Engagement… mais de quoi parle-t-on ?
L’engagement actionnarial est un ensemble de pratiques par lesquelles les investisseurs cherchent à influencer les entreprises en les incitant à s’améliorer sur un ou plusieurs enjeux ESG. Cette démarche se veut structurée et suivie dans le temps. En filigrane de l’engagement, il faut y voir l’acception anglaise, qui évoque l’idée de s’impliquer, de s’investir pour faire bouger les lignes. Lorsque ces démarches ne sont pas concluantes, les investisseurs peuvent porter le sujet sur la place publique, désinvestir ou encore utiliser leur vote pour marquer leur désaccord. En d’autres termes : passer de la parole aux actes ! Après tout, les investisseurs qui incitent les entreprises les moins vertueuses au changement rendent service à l’ensemble de la communauté.
La prise en compte des facteurs ESG est devenue « licence to operate ». Il n’est donc pas question de ne rien faire, l’absence de prise de position serait politiquement incorrecte. La tentation de s’en tenir aux paroles, uniquement aux paroles, peut toutefois être forte, et l’intention rester “marketing”. Au-delà des paroles, il est difficile de suivre le degré d’implication des investisseurs en l’absence de mesure de l’engagement de chacun car il n’existe pas de mesure de l’engagement de chacun. Et trop souvent, l’engagement affiché est utilisé pour légitimer la présence de valeurs controversées au sein des portefeuilles. S’il est souhaitable que ces entreprises ne soient pas uniquement entre les mains d’investisseurs trop peu responsables, il serait apprécié que ceux qui se targuent de l’être jouent pleinement leur rôle.
Car au moment de passer à l’acte…
La dernière assemblée générale du pétrolier SHELL, ce 22 mai, est une belle illustration de cette timidité survenant juste au moment de passer à l’acte. La résolution présentée par l’ONG Follow This, qui exige que le groupe présente une stratégie climat plus ambitieuse avec des objectifs alignés sur l’Accord de Paris, n’a recueilli que 5% des votes. Et pourtant, parmi les principaux actionnaires de SHELL figurent des gérants d’actifs qui se sont engagés à utiliser leur force de frappe pour faire avancer les choses…
A La Financière de l’Echiquier, nous prenons très au sérieux notre responsabilité d’investisseur. L’engagement n’est pas, pour nous, un buzzword mais une pratique quotidienne. En 2017, nous avons engagé le dialogue sur des sujets ESG avec 84 entreprises et leur avons proposé au total 200 axes de progrès. Tous les deux ans, nous faisons le point pour mesurer les progrès réalisés. Même si notre approche reste toujours bienveillante, nous n’hésitons jamais à marquer notre désaccord avec le management lorsque nous le jugeons nécessaire. En 2017, nous avons ainsi voté contre au moins une résolution aux assemblées générales lors desquelles nous nous sommes exprimés (52% des AG). Nous sommes loin d’être complaisants ! Pour 2018, nous avons pris l’engagement de voter à l’ensemble des assemblées générales des entreprises détenues dans nos fonds de gestion active. Un effort qui mobilise toute l’équipe de gestion de La Financière de l’Echiquier et qui démontre, en paroles comme en actes, notre volonté d’être plus que jamais un investisseur responsable !
1 Voir notre lettre ISR du 2 mars 2018