La Gazette des Instits : Rencontre avec Françoise Gaill, chercheure émérite du CNRS
Chercheure émérite du CNRS, Françoise Gaill construit des ponts entre deux mondes, la science et la politique pour sauver l’océan, et le faire émerger à la table des négociations internationales.
Rencontre avec la spécialiste des écosystèmes abyssaux, à l’occasion de la 2e édition des Rencontres du Climat & de la Biodiversité de La Financière de l’Échiquier, le 6 octobre 2022.
L’Océan, l’enjeu stratégique du siècle
Quel rôle joue l’océan ?
Ses rôles sont multiples et majeurs. L’océan régule notamment le réchauffement climatique. La relation entre l’océan et le climat est cruciale, et c’est une priorité absolue. Les variations de température entraînent une perte d’oxygène de l’océan et la vitesse de disparition de la biodiversité est beaucoup plus grande dans les océans que sur Terre. Le couple climat et biodiversité tient encore, mais pour combien de temps ? Le nombre d’espèces marines à la limite de leur capacité à se renouveler augmente, sous l’effet de multiples pressions, la plus importante étant l’extraction par l’Homme des ressources de l’océan. Il est encore temps d’agir mais tout s’accélère. Les événements extrêmes qui se déclenchaient une fois par siècle risquent de survenir une fois par décennie, ceux qui se produisaient une fois par an risquent de survenir une fois par mois. Tout s’accélère. Le prochain rapport du GIEC à paraître en mars 2023 se focalisera sur les points de rupture.
Vous militez pour une Gouvernance mondiale de l’Océan. Comment agissez-vous ?
Nous avons tissé un réseau d’acteurs planétaires. Nous avons fondé la plateforme Océan & Climat, qui regroupe des instituts de recherche du monde entier, des ONG, des entreprises… Nous conjuguons l’ADN de la science et la force de mobilisation. Cette plateforme a créé une véritable armada du climat de Monaco aux Nations unies, jusqu’à Brest avec le One Ocean Summit organisé en février dernier, sous le haut patronage du président de la République, qui a fait émerger des pistes. Nous proposons des solutions concrètes, déployons des actions comme par exemple Sea’ties, une initiative mondiale qui a vocation à contribuer à l’adaptation des villes côtières, face à l’élévation du niveau de la mer. D’ici 2030, l’élévation pourrait atteindre un mètre.
L’adaptation est-elle encore possible ?
Oui, il est encore temps d’anticiper, et de s’adapter et de modifier nos comportements et nos usages. Nous disposons de ressources insoupçonnées. Les animaux des fonds marins se sont adaptés à des conditions extrêmes, et des températures de 300 à 400 degrés celsius.
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