Alexis Bienvenu

Fed : fin du tunnel haussier en vue ?

Le jeudi 27 juillet, la réunion des gouverneurs du FOMC a débouché sur une décision de hausse de son taux directeur, relevé de 75 points de base (bp). La fourchette de taux est désormais fixée entre 2,25 et 2,50%.

Une décision totalement attendue de la Reserve fédérale américaine… contrairement à la dernière décision de hausse par la Banque Centrale Européenne (BCE). Pourtant, le marché a paru positivement surpris, les indices actions américains terminant en forte hausse, avec +2,6% pour le S&P500 et +4,1% pour le Nasdaq¹.

 

Pourquoi cette surprise du marché ?

Le Président J. Powell a suggéré deux points. Tout d’abord, le rythme de hausse des taux pourrait ralentir à compter de septembre. Ensuite, la Fed va commencer à se préoccuper du ralentissement économique, notamment liée à sa politique monétaire, alors même que pour la Fed “l’économie n’est pas en récession“. L’évocation par le président de la Fed du rythme économique comme sujet de préoccupation est un fait notable : la lutte contre l’inflation semblait en effet l’emporter sur toute autre considération ces derniers mois.

Quant au rythme des prochaines hausses de taux, aucune indication précise n’a été annoncée. Tout dépendra des données d’inflation et de croissance. Or si les données d’inflation “cœur ” ne devraient a priori commencer à décroître que lentement, les données sur la croissance pourraient, de leur côté, décroître beaucoup plus rapidement – PMI composite américain préliminaire à 47,5 en juillet. Le pivot vers une politique moins restrictive pourrait donc bien s’opérer dès septembre. Le marché actions ne pouvait que s’en réjouir.

Le mouvement sur les taux a été faible, mais logique : une légère pentification s’est observée. Si la Fed se dirige vers une politique un peu moins restrictive, l’économie devrait un peu moins souffrir. Ce qui a mécaniquement favorisé les valeurs cycliques.

 

Qu’attendre de l’avenir ?

D’ici le 21 septembre, date de la prochaine réunion de la Fed, nombre de nouvelles données auront été publiées : celles de l’inflation de juillet et d’août, les PMI du mois d’août, les données de l’emploi pour juillet et août. Le PIB américain du second trimestre 2022 sera également publié, mais à prendre “avec des pincettes”, a-t-il indiqué, cette donnée étant sujette à des révisions parfois importantes.

Comme la Fed se refuse désormais à tout guidage des anticipations et est totalement dépendante totalement des données, tout peut encore arriver. J. Powell le rappelle : même de gros mouvements de hausse de taux restent a priori possibles. Le consensus de marché estime aujourd’hui que l’inflation américaine, qui restera certes sujette à des sauts de volatilité, finisse par se stabiliser dans les mois à venir, que les PMI resteront sous pression, et que les demandes d’allocation chômage poursuivent leur tendance légèrement haussière. Dans ce cas, le rythme des hausses serait déjà reflété par les anticipations actuelles : un niveau de taux compris entre 3,25 et 3,50 d’ici décembre, soit +100 bp à répartir entre septembre et décembre².

Mais des déviations de ce scénario central existent :

  • Si l’inflation reste très élevée au lieu de se stabiliser, et si le ralentissement économique n’est pas extrême, les deux allant difficilement de pair, la Fed n’aura d’autre choix que d’aller plus vite et/ou plus haut dans les remontées de taux.
  • Si le ralentissement économique était très fort, avec un effet anticipé nettement baissier sur l’inflation à moyen terme, elle pourrait ralentir le resserrement, après être déjà arrivée à son niveau « neutre ». Elle a désormais rechargé assez munitions pour pouvoir inverser sa position.

 

Pour le marché actions, l’hypothèse d’un lent ralentissement de l’inflation couplé à une légère récession au cours de 2022 pourrait être relativement indolore, car déjà bien intégrée. Dans les autres cas, de la volatilité serait certainement à attendre.

 

1 Chiffres au 27.07.2022
2 Anticipations du marché à travers les Fed Funds Futures
Rédaction achevée le 28.07.2022. Les opinions émises dans le document correspondent aux convictions du gérant. Elles ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité de LFDE.