Nouvelle donne
Et si rien n’était plus comme avant ? Dans un contexte de crises multifactorielles qui a révélé nos dépendances et nos vulnérabilités stratégiques, l’économie mondiale se recompose. Energie russe, médicaments chinois, puces électroniques taiwanaises… la mondialisation nous avait rendu dépendants. L’extrême concentration des sites de production, qui touche des secteurs et des savoir-faire stratégiques dans le monde entier, en est une des causes. 75% des principes actifs pharmaceutiques vendus en Europe (80% aux Etats-Unis) proviennent aujourd’hui de Chine et d’Inde, contre 20% il y a 30 ans. 80% des semi-conducteurs et 90% des composants des panneaux voltaïques sont produits en Asie…, les exemples sont multiples.
Les chocs du Covid et de la guerre en Ukraine ont grippé les chaînes d’approvisionnement mondiales et rebattu les cartes de la mondialisation : les entreprises repensent leurs chaînes de production et d’approvisionnement, des secteurs stratégiques se relocalisent partout dans le monde, des écosystèmes locaux plus friendly émergent, les économies entrent dans de nouvelles dimensions, en quête de résilience, d’autonomie et de souveraineté. Une quête qui trouve dans la relocalisation de biens et de savoir-faire stratégiques une solution.
Cette nouvelle donne réorganise les flux de biens et services entre zones pour réduire les dépendances dans des secteurs clés, technologie, industrie, énergie, alimentation, santé. Mais aussi pour rompre avec la fragmentation des process de production dispersés sur plusieurs continents et les cascades de pénuries causées par les tensions sur les chaînes d’approvisionnement, par lesquelles transitent 80% des échanges mondiaux. Les grands groupent adoptent la stratégie dite « China +1 », dédoublant les chaînes d’approvisionnement.
Cette dynamique est soutenue par des plans gouvernementaux cherchant à réduire la dépendance à l’égard de l’Asie notamment. C’est le cas de l’industrie des semi-conducteurs, avec le Chips Act aux Etats-Unis (plus de 50 milliards de dollars) ou le plan de l’Union européenne annoncé en 2022 (45 milliards d’euros). A l’impératif d’autonomie s’ajoute un impératif de souveraineté crucial.
Favorisées par la digitalisation et l’automatisation, ces mutations industrielles, économiques, géopolitiques ouvrent de nouvelles perspectives, créent des champs d’innovation et des gisements d’opportunités. Les gagnants ? Des entreprises au fort ancrage local qui déploient déjà des stratégies résilientes, bénéficient d’actifs essentiels, gazoducs ou tours télécoms, des sociétés disposant de brevets stratégiques, d’une production ou d’un sourcing proches du consommateur final, ainsi que de financements publics. C’est le cas de Meyer Burger[1], qui développe des panneaux photovoltaïques en Suisse et en Allemagne, du leader mondial Imerys qui lance en France un projet d’exploitation de lithium, matériau essentiel à la transition énergétique, ou encore d’Euroapi, dont les sites européens de production permettent de rompre nos dépendances en matière de principes actifs pharmaceutiques.
Cette nouvelle donne mondiale, fondée sur des besoins fondamentaux d’autonomie, constitue une source d’opportunités à la fois pour les entreprises et les investisseurs.
L’édito du mois par Olivier de Berranger, Directeur Général Délégué et CIO, et Nina Lagron, CFA, Gérante, La Financière de l’Echiquier (LFDE)